Une joie sans crainte. Lettres sur le désir d’être soi-même - George Sand

Femme engagée aussi bien dans la sphère intime que politique, George Sand vécut et écrivit dans un même élan, revendiquant sa conduite anticonformiste sans jamais s’en excuser. Camarade, amante et mentor des grands esprits de son temps – parmi lesquels Musset, Chopin, Hugo ou Flaubert –, elle témoigne dans ses innombrables missives de son amour de la vie ainsi que de sa curiosité passionnée envers autrui. 
George Sand (1804-1876) est l’une des écrivaines et épistolières les plus prolifiques de son temps. Poussant l’audace jusqu’à se choisir un nom de plume masculin afin d’être lue à égal avec ses pairs, elle lutta contre l’oppression et le joug des convenances. Cette travailleuse acharnée et généreuse nous a légué un héritage littéraire aussi monumental qu’admirable. 

La relation entre Sand et Alfred de Musset, destinée à devenir l’une des plus fameuses histoires d’amour du romantisme français et à inspirer de nombreuses œuvres d’art, suscita quant à elle un tapage sans pareil.

 

[Venise,] 12 mai [1834]

Non, mon enfant chéri, ces trois lettres ne sont pas le dernier serrement de main de l’amante qui te quitte, c’est l’embrassement du frère qui te reste. Ce sentiment-là est trop beau, trop pur et trop doux pour que j’éprouve jamais le besoin d’en finir avec lui. Es-tu sûr, toi, mon petit, de n’être jamais forcé de le rompre? Un nouvel amour ne te l’imposerat-il pas comme une condition ? Que mon souvenir n’empoisonne aucune des jouissances de ta vie, mais ne laisse pas ces jouissances détruire et mépriser mon souvenir. Sois heureux, sois aimé. Comment ne le serais-tu pas? Mais garde-moi dans un petit coin secret de ton cœur et descends-y dans tes jours de tristesse pour y trouver une consolation ou un encouragement. [...] Quelquefois je me mets à rire toute seule au souvenir de nos bêtises et puis il se trouve que cela me fait pleurer. Oh ! nous nous reverrons, n’est-ce pas ?