Ainsi, Djian me présentait à ses amis Salinger, Kerouac et Faulkner. Il m’expliquait pourquoi l’écrivain Céline mérite, contrairement à l’homme, qu’on s’y attarde. Pourquoi Hemingway est un maître, même si « en avoir ou pas » importe peu. Comment Brautigan s’est débrouillé pour faire décoller des planeurs et dans quelle mesure Carver fut touché par la grâce. Fort de ces rencontres décisives, je pouvais désormais envisager l’avenir avec confiance. Je commençais à comprendre ce qu’était un écrivain. Je commençais à comprendre que pour tous ces gens qui allaient m’accompagner pour le restant de mon existence, l’écriture demeurait inséparable de la vie. Philippe Djian venait d’allumer en moi des incendies qui ne se sont plus jamais éteints.
Alors qu’il s’apprête à publier son 29e roman, Philippe Djian revient avec mordant et lucidité sur sa méthode de travail, son rôle de passeur, ses enthousiasmes, affirmant au passage son attachement à la langue – cette matière vivante et inflammable qui n’a de cesse de l’obséder.
Auteur et journaliste indépendant, Nicolas Bézard écrit et intervient régulièrement dans les champs de la littérature, du cinéma et des arts visuels.
Une partie de cet entretien a été publiée en juin 2023 dans le numéro 69 du magazine culturel Novo (www.novomag.fr).