Les années vides sont celles de ce jeune homme qui intègre la sixième en 1969 quand d’autres changent, si ce n’est le monde, leur monde.
Découverte de l’adolescence, des relations, souvent complexes, qui s’établissent par logique, par hasard ou par dépit. Découverte du corps aussi, par le biais d’une professeur de français maoïste qui semble conforter le garçon dans une vision crue et réaliste de sa vie. Il s’écarte toujours plus de cette jeunesse fantasmée, il est comme écrasé par le poids des anciens. Certaines expériences pourraient l’intégrer à ce monde : expérience de la fumette, du sexe en groupe, du militantisme avec la mobilisation de l’hiver 1974 ou encore des concerts, mais rien ne le touche comme il l’espère. Il se sent vide, en-dessous de ce qu’on attend d’un jeune homme de son époque, imperméable aux plaisirs de la vie lycéenne et de ses distractions qu’il rabaisse au rang de supplices. La réponse se trouve peut-être dans la découverte des Beach Boys et de l’album Pet Sounds : « Des voix d’hommes se mêlaient trop aiguës, se perchant et s’étirant jusqu’à la fêlure. Ils tentaient en vain de redevenir des enfants, mais une lourde pierre lestait déjà leur cheville : ils disaient adieu, les yeux pleins de larmes, à cet âge de leur vie. [...] Ils se noyaient et c’est cela qu’en moi je pleurais sans honte. »