L’écrivain, poète et mathématicien Lewis Carroll n’a pas seulement inventé l’univers fabuleux d’Alice au pays des merveilles ; il a aussi engendré, dans son œuvre et son étonnante correspondance, des trouvailles et des pépites qui épateront à coup sûr les lectrices et les lecteurs.Ce Pli rassemble notamment un vade-mecum sur l’art d’écrire une lettre parfaite, des instructions pour résoudre des énigmes et problèmes mathématiques, ou encore des consignes pour réaliser des origamis explosifs…
Poète, mathématicien et écrivain de génie, Lewis Carroll (1832-1898) a stimulé et façonné l’imagination de millions de lecteurs et de lectrices avec son roman Alice au pays des merveilles. Les personnages de Carroll, à l’instar de leur créateur, cherchent des réponses à leurs questionnements entre la fantaisie et la logique, pour tirer de la vie toute sa profondeur.
Quelques lecteurs se souviendront peut-être que, parmi les nombreux jeux inventés par Carroll, il en est un qui est toujours publié dans les revues de sport cérébral du monde entier : le métagramme (plus connu du public anglophone sous le nom de Word Ladder, «échelle de mots»). Il fonctionne de la manière suivante : étant donné deux mots composés du même nombre de lettres, l’objectif du joueur est de passer de l’un à l’autre en suivant quelques règles simples. Il est possible : 1) d’ajouter une lettre; 2) d’enlever une lettre; 3) de changer une lettre ; 4) d’anagrammer le mot entier. Le ré- sultat de chaque étape doit en outre avoir un sens. La version initialement conçue par Carroll se li- mitait à la règle numéro 3 (exemple : pain – main – mail – rail). Publiée dans le numéro du 29 mars 1879 de Vanity Fair, cette lettre raconte les pré- mices du casse-tête inventé pour amuser les petites Ethel et Julia Arnold (qui devint bien des années plus tard la mère d’Aldous Huxley).
29 mars 1879
Cher Vanity,
Il y a un peu plus d’un an, à Noël, deux jeunes demoiselles victimes du plus grand fléau de la gent féminine, le fait de n’avoir «rien à faire», m’ont prié de leur envoyer « quelques énigmes ».
Comme je n’en avais aucune sous la main, je me suis attelé à leur concocter une autre forme de torture verbale qui servirait le même but. De mes réflexions est né un nouveau – en tous cas pour moi – type de casse-tête entre-temps soumis à de nombreux amis qui, l’ayant testé toute l’année passée, m’en ont dit le plus grand bien. Je vous l’offre aujourd’hui telle une noix tout juste cueillie que des dents omnivores, déjà rompues à vos doubles acrostiches, pourront grignoter à l’envi.
Les règles de ce jeu sont plutôt simples. Deux mots de même longueur sont proposés au joueur ; le casse-tête consiste à les relier en passant par une série de mots intermédiaires, chacun différant d’une seule lettre du mot qui lui succède. [...] Il est sans doute superflu de préciser que tous ces mots devront rigoureusement être anglais, et dignes d’être utilisés par des per- sonnes tout à fait respectables. [...]