En quête d’une nouvelle provocation, Céline recherche par tous les moyens à attiser la haine de ses contemporains. Il croise Paul Morand dans la rue qui lui tient des propos antisémites. “Voilà enfin mon sujet !” s’écrie Céline. Il décide de rencontrer le chef de presse de la Gestapo pour évoquer avec lui son projet de livre. Celui-ci lui prodigue des conseils pour servir une bonne propagande antisémite. “Un bon nazi ne cherche pas de références, il les invente.” Ils négocient les termes d’un contrat d’édition du livre, en France et en Allemagne. La parole est ensuite à Kaminski. Il explique qu’il a été “un grand admirateur” de Céline et qu’il aimerait le rester. Hélas, ce dernier vient précisément de publier
Bagatelles pour un massacre, pamphlet non seulement antisémite mais encore tout à fait accusateur envers tout et tout le monde, de Léon Blum à Trotsky, en passant par Charlie Chaplin, le surréalisme, les femmes ou encore le protestantisme. La longue liste de ses aversions révèle pourtant une ligne politique nette : le nazisme.
Sous la forme d’une satire, Kaminski se révèle incroyablement précurseur. En hissant l’auteur de Voyage au bout de la nuit en personnage de fiction, cruel, imbu de lui-même, pervers, obnubilé par l’argent, sombre et délirant, lequel va jusqu’à rencontrer le Führer en personne, il analyse avec pertinence les ressorts de la “diplomatie” nazie et met au jour les techniques de falsification caractéristiques de la propagande nazie. Ce pamphlet dévoile également les questionnements soulevés par le nazisme avant 1939. Kaminski ne s’y trompe pas : “l’issue d’une guerre est toujours imprévisible. Tout ce que l’on peut savoir de la prochaine, c’est qu’elle sera longue et que ses horreurs dépasseront l’imagination la plus fertile.” Réaction à chaud et virulente, Céline en chemise brune offre un puissant antidote à la manipulation. La dénonciation par Kaminski de tout l’appareil idéologique nazi avait valeur d’avertissement. Hélas, à la lumière de ce qui a suivi, elle fut prémonitoire.